L’or blanc du cirque de Cilaos
Niché parmi les sommets verdoyants de la Réunion, le cirque de Cilaos dévoile un trésor artistique inestimable : la broderie de Cilaos. Cette pratique artisanale, intimement liée à l’histoire et à l’âme de ce village reculé, incarne un héritage ancestral perpétué depuis plus d’un siècle.
Au cœur de ce tableau pittoresque, les femmes du cirque tissaient jadis des “jours de Cilaos”, ces motifs délicats qui ont conquis le cœur des habitants et des voyageurs bien au-delà de l’île.
La naissance des “jours de Cilaos”
Angèle Mac Auliffe, née en 1877 à Hell-Bourg, est à l’origine de ces célèbres “jours de Cilaos”. Fille du docteur Mac Auliffe, elle développe très tôt une passion pour la broderie. Avec détermination, elle crée ses propres motifs et forme, à l’âge de 23 ans, les femmes du cirque dans son atelier. Les “jours de Cilaos” deviennent rapidement célèbres, exportés jusqu’en Europe.
L’histoire de la broderie à Cilaos se déploie dans les ruelles étroites et les paisibles hameaux de ce village. Autrefois, cette pratique était inscrite au cœur du quotidien des habitants, rythmant les saisons et les célébrations de la vie. Les petites brassières, draps, nappes, serviettes et napperons brodés de fil blanc faisaient partie du « trousseau ». Chaque point, chaque motif, racontait une histoire, témoignant du talent et de la créativité des femmes cilaosiennes.
Nombreuses étaient les petites filles à découvrir l’art du fil et de l’aiguille. Guidées par leurs mères et leurs aïeules, elles apprenaient les gestes précis, héritant ainsi d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Dès son plus jeune âge, Colette Turpin fut enveloppée par cette tradition. À l’âge de six ans, sa mère lui confia un tambour à broder, déclenchant une passion dévorante qui ne l’a jamais quittée depuis. Cette vocation et ce savoir-faire d’excellence ont permis à Colette d’obtenir en 2004 le titre de Meilleure Ouvrière de France.
Un savoir-faire d’excellence
Entièrement réalisée à la main, la technique de broderie de Cilaos implique l’utilisation d’un tambour à broder pour tendre le tissu – généralement du lin blanc – et faciliter le travail. La brodeuse trace et évide des carrés de tissu, puis fait se croiser des fils fins de coton DMC lancés en leur centre. Ces fils lancés serviront de base à la broderie, qui commence toujours par le centre pour progresser vers les bords du carré. Les 48 motifs qui existent aujourd’hui sont tous inspirés de la nature (fleurs, oiseaux, papillons…).
Trois points sont utilisés dans la broderie de Cilaos : point de nœud pour la fixation des fils lancés, point de reprise pour la confection des motifs et point de feston pour la finition des bordures de l’ouvrage. La broderie en couleur a été introduite dans les années 80, autrefois tout se faisait en blanc sur blanc. Il faut compter 1 journée de travail pour broder un motif de 5 cm sur 5 !
Et demain ?
Aujourd’hui, malgré les assauts du temps et les caprices de la modernité, la broderie de Cilaos demeure un emblème de l’identité cilaosienne. Mais pour combien de temps encore ?
La jeunesse du cirque, avide de nouvelles expériences, explore d’autres horizons, parfois éloignés de la traditionnelle broderie, et aspire à des métiers plus rémunérateurs. Se pose alors la question de la perpétuation de ce savoir-faire, qui risque malheureusement de s’éteindre avec les dernières brodeuses encore en exercice…