
Le vacoa tressé, artisanat traditionnel de la Réunion
Le vacoa – pandanus utilis de son nom scientifique -, est une plante endémique des Mascareignes, qui pousse essentiellement dans le sud de l’île, où elle a longtemps été utilisée comme brise-vent, notamment pour protéger les plantations de vanille.
Il offre une matière première exceptionnelle pour la création d’objets uniques et durables. En effet, les longues feuilles de cette plante, une fois débarrassées de leurs épines, sont séchées et travaillées, révélant une fibre naturelle à la fois souple, légère et résistante. Ces propriétés font du vacoa un matériau de choix pour la vannerie et l’artisanat en général.
Du ballot en vacoa à l'objet design
Les feuilles de vacoa servaient autrefois à la Réunion à la confection de nattes, de « bertel » – sorte de sac à dos 100 % végétal -, de « vanne », panier à fond plat servant à trier le riz ou à récupérer les épluchures, ou de ballots. Ces derniers servaient de contenants pour les haricots, céréales, café, épices, sucre, ou letchis. L’apparition des sacs de jute signera la fin des ballots en vacoa. Aujourd’hui, seuls les letchis continuent à être transportés dans ces gros ballots tressés.
Ce savoir-faire nous vient probablement des Malgaches, qui font partie des premiers habitants de l’île. La pratique a occupé d’abord l’espace privé de la maison, avant d’évoluer au sein d’associations de quartiers, regroupant majoritairement des femmes. À l’origine, les pratiquants étaient surtout les conjointes d’agriculteurs, pour qui cette activité était à la fois un passe-temps, à l’issue des tâches ménagères, et la possibilité d’une source de revenus d’appoint.
Aujourd’hui, quelques artisans et associations de l’île s’évertuent à pérenniser ce savoir-faire ancestral, transmis de génération en génération. Ils œuvrent pour élargir et moderniser les gammes de produits afin de s’adapter à une clientèle plus actuelle : chapeaux, sacs, pochettes, paniers de pique-nique, auxquels ils ajoutent du tissu ou du cuir. Laurianne LEICHNIG (https://boiscorail.re/ti-brin-nature/) fait partie de ces gens qui se battent pour faire perdurer ce savoir-faire. C’est elle qui tresse les objets proposés chez Bois Corail.
Enfin, quelques designers commencent également à travailler ce matériau, en le détournant de ses fonctions premières et en le valorisant dans des objets de décoration plus élaborés. Je vous invite à découvrir les univers inspirants de Johanna GREGOIRE (https://boiscorail.re/johanna-gregoire/) et Yassine BEN ABDALLAH (https://www.yassinebenabdallah.com/), qui utilisent cette fibre dans leur démarche artistique.
Les techniques de tressage
La technique de tressage du vacoa est délicate et demande une grande précision.
Les feuilles sont prélevées soit directement sur l’arbre, soit à terre. Débarrassées de leurs épines, elles sont coupées en lamelles ou brins plus ou moins larges d’un à deux centimètres (selon les besoins) et mises à sécher en bottes. A l’étape suivante, le tresseur humidifie ces bottes et assouplit chaque brin, avant de les disposer à même le sol ou sur une table pour les tresser.
Le tressage le plus courant est celui à 2 brins (« 2 brins levés, 2 brins laissés »), mais il existe d’autres techniques : simple à 1 brin, à 3 brins, à trèfles, en cannage, dentelle (4 brins), coquille, ronde… Le choix du motif dépend de l’objet à réaliser et de l’effet souhaité. Il est également possible de créer des motifs, les contrastes étant obtenus grâce à des feuilles plus foncées ou même tachetées.
Les avantages du vacoa
En plus de son aspect esthétique, le vacoa présente de nombreux avantages :
- Résistance : Les objets en vacoa sont solides et durables. Ils peuvent être utilisés au quotidien et durer des années si vous les entretenez correctement, avec un chiffon humide et en les laissant sécher à l’air libre loin du soleil direct.
- Légèreté : le vacoa est une fibre légère, ce qui rend les objets faciles à transporter.
- Ecologie : il s’agit d’une ressource naturelle renouvelable, et sa production ne nécessite pas de produits chimiques.
- Transpirant : Le vacoa laisse passer l’air, ce qui le rend idéal pour les objets en contact avec la peau, comme les chapeaux.
Le vacoa aujourd'hui...
Malheureusement aujourd’hui, plusieurs menaces pèsent sur la pratique :
- Coût de main-d’œuvre élevé : les pays voisins (principalement Madagascar), proposent des produits similaires, bien que tressés avec d’autres fibres, à des prix défiant toute concurrence;
- Prix de vente faible : la fabrication des objets, en incluant l’approvisionnement en brins, est très longue et difficile à valoriser dans le prix de vente. Les prix pratiqués sont ainsi inférieurs au coût de revient et ne permettent pas de pratiquer des marges suffisantes;
- Transmission intergénérationnelle en perdition : face à un métier jugé pénible et peu valorisé, les jeunes ne souhaitent pas s’y investir ;
- Non-transmission : les tresseurs vieillissent et meurent sans avoir pu transmettre leur savoir-faire.
Et demain ?
Un début de solution résiderait peut-être dans une prise de conscience des acheteurs, que consommer local est essentiel pour bon nombre de secteurs. Car un accroissement de la demande permettrait de générer un accroissement de l’offre…
La réflexion et le travail engagés par les artisans et designers valorisant ce savoir-faire dans le but de créer des objets différents, uniques, voire même précieux, en se positionnant sur le haut-de-gamme, constitue une autre piste à développer.
En choisissant un objet en vacoa, vous ne vous procurez pas seulement un produit artisanal, vous vous offrez également un morceau d’histoire et de culture réunionnaise. Vous contribuez ainsi à préserver un savoir-faire ancestral et à soutenir l’économie locale.





